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Quelques Légendes Ardennaises

Histoire
Dans la forêt, non loin du Gîte "La Tour"
La Belle et le berger, le sorcier et le diable

Quelques 360 personnes habitent Escombres-et-le-Chesnois, commune située dans l’arrondissement de Sedan et cataloguée de « cadre enchanteur dans des paysages sauvages boisés ». Et, à Escombres-et-le-Chesnois, certaines d’entre elles connaissent encore ces deux légendes que racontaient les Anciens.

La première était présentée sous le titre « : « Deux ombres qui se battent ».
À savoir, que la fille du châtelain était tellement jolie que son géniteur l’enfermait. Alors, un berger s’adressa au sorcier local car il avait une ardente envie de regarder la jeune fille, ne fût-ce qu’une seule fois. Pour ce faire, il vendit même son âme au diable. Et, la belle lui apparut et, sans prononcer le moindre mot, elle disparut ! Le berger se sentit floué et il tua le sorcier.
Depuis lors, dit la légende, durant les sombres nuits d’hiver, on entend crier, appeler, supplier et pleurer du côté de la forêt : l’assassin (car il avait préparé son geste !) et sa victime se cherchent et se battent dans l’ombre.
Autre version : le seigneur était particulièrement laid et méchant et il enferma sa fille, très belle et tellement gentille, dans la « Forteresse ». Un berger, qui était de mèche avec un sorcier, désira délivrer la jeune fille du joug paternel. Il fut trompé et il tua le sorcier, puis se pendit.
Quelle que soit la version, au lieu-dit « La Forteresse », on a découvert des monnaies anciennes, des morceaux de métal, des ardoises, des tuiles, des pierres…, provenant d’anciennes demeures et cela pourrait correspondre à une construction fortifiée.
Non de loin de là, l’autre lieu-dit « Le Jardin de la Forteresse », où « la terre serait plus noire et fertile qu’ailleurs dans la région », serait l’emplacement d’un ancien cimetière…

Et la deuxième légende ? Il se prétend qu’à un lieu appelé « Vivier des Sarrasins », de gentils nains faisaient la fête toutes les nuits et n’utilisaient que de la vaisselle en or. Depuis des siècles, cette dernière était à la fois un apparat et une source d’épargne financière. Provenait-elle de « La Forteresse » ?
Les légendes de nos Ardennes
La Déesse Arduinna et les Ardennes
L'Ardenne
Une alliance mystérieuse relie aux dieux le peuple des arbres.  Ainsi de l'Ardenne.
Les Trévires l'appelaient Ar-Denn, c'est à dire la profonde. Toutes les forêts étaient placées sous la protection d’une divinité. Ainsi celle de l'Ardenne était personnifiée par une déesse que les Romains avaient placée dans leur panthéon sous le nom d’Arduinna.

L'Ardenne est la terre des légendes. Sur ses noirs rochers qui percent sa forêt sombre et au fond de ses gorges profonde où l'eau tombe, elles ont éclaté comme fleurs au printemps, comme de frais sourires sur les lèvres des femmes. Oui, si l'histoire est de l'homme, la légende est de la femme.

Elle est surtout de la forêt. Sans doute de la forêt imaginaire et infinie, sorte de dépôt de la frayeur où les romanciers exilent leurs héros cruels, recrutent leurs bêtes fabuleuses, ou situent leurs scènes horrifiques, « forêt hideuse et fée », selon l'auteur de Parthénope de Blois, mais encore forêt forte en chair et en réalité, et de sève si puissante qu'elle a résisté aux inlassables et meurtrières cognées et aux dévastations des guerres. Forêt aux contours si indécis que l'imagination des poètes l'agrandit démesurément, comme celui d'Esclarmonde, qui en recule la lisière jusqu'à Constantinople, tandis que les géographes, comme les bûcherons, s'acharnent à la rétrécir. Réduite à ses proportions naturelles, vagues du moins comme le halo des saints, tellement que les évêques de Reims et de Liège ne purent jamais, naguère, délimiter leurs diocèses, elle garde assez de mystère et d'attrait, sur son vieux socle hercynien.

Elle est toujours la patrie du mystère et de l'inconnu, la grande couveuse de génie, à l’ombre de laquelle ont grandi Rimbaud, ce prototype de l'admirable sauvagerie ardennaise, et Verlaine, tout barbouillé des myrtilles cueillies au pied des chênes verts, Taine et Michelet, qui éclairent, nouveau Janus, les deux faces de l'histoire de France, après le trouvère sans nom des Quatre Fils Aymon, après Sorbon, le fondateur de la Sorbonne, après Gerson, l'auteur de l'Imitation, après Guillaume de Machault, le plus grand lyrique du XIe siècle, après Mabillon ... et après Méhul, clairon de la Révolution.

Forêt mystérieuse, où le poète flamand Charles van Lerberghe a entrevu le paradis, et devant laquelle Dante, dont un rocher, qui surplombe Château-Regnault, reproduit le profil romain, était saisi d'un frisson sacré.

Tous les écrivains à l'imagination forte, à la peau rude, au coeur solide, trouvèrent sous les futaies ardennaises l'aliment pur de leur inspiration. Pétrarque s'y égara en y cherchant le souvenir de Laure. Mais l'Arioste la place dans son « Roland furieux », et surtout Shakespeare en fait le cadre de sa comédie « Comme il vous plaira », parce que la forêt d'Ar­denne, lointaine, déserte, inaccessible, murée, mystérieuse, seule y convient.

Car, selon un de ses poètes contemporains, Henri d'Acremont :  

       Elle semble vouloir, sombre, épaisse, profonde,
       Au lointain prolonger ses bois mystérieux,
       Son inconnu sacré jusqu'aux bornes du monde
       Par-delà l'horizon continuer les cieux

Pour avoir si vivement inspiré l'étranger, la forêt des Ardennes devait émouvoir ses indigènes et faire jaillir de leur cœur, plus encore que de leur esprit, le premier genre de la littérature française : la légende, seule nourriture intellectuelle de nos pères.

Ambiorix y tient tête à César, bien avant Vercingétorix. Pépin de Landen, Charles Martel, Pépin le Bref et Charlemagne sont ses fils. C'est à Attigny et à Douzy que le grand empereur à la barbe fleurie établit ses résidences favorites. Aussi les légendes épiques ont-elles ici leur lieu de naissance.

C'est en Ardenne, et non à Montauban, que naissent, à l'orée de la littérature français, le sujet et fauteur du roman de Quatre Fils Aymon, la plus belle et la plus populaire des chansons de geste, dont un écrivain ardennais, Charles Gail/y de Taurines, a publié, dans les « Cahiers Ardennais » une émouvante adaptation.

Ils sont d'Ardenne, les Quatre Fils Aymon, dont l'en­seigne se balance sur les rives du lac Ontario, dont les exploits sont gravés sur les bas-reliefs de Merville, près de Montmédy, et peints sur les chariots des paysans de Sicile, comme la vie des saints est retracée sur les tympans ou les vitraux des cathédrales. Il est d'Ardenne, et non du Danemark, Rogier, « le meilleur chevalier de toute la chrétienté », qui mourra à Roncevaux, après la plus merveilleuse odyssée. Il est d'Ar­denne, le Chevalier au Cygne ...

Mais les guerres passent et les invasions, et leurs traces mêmes s'effacent. L'Ardennais reste un Celte. Il a subi l'influence contraire des disciplines latines et des plus proches rêveries germaniques, mais elles ne l'ont ni déformé ni façonné. Il demeure lui-même, comme son pays. L'histoire n'a pas plus entamé son caractère rude que l'érosion n'a rompu l'aspect primitif du massif schisteux. C'est la forêt qui a formé et bercé ce peuple, son peuple. C'est à l'ombre de ces .bois que sont nées les légendes populaires, qui, comme les plus subtils systèmes philosophiques, mais avec plus de grâce, abordent les secrets de notre destinée.
On rit du diable. On le tient pour un mythe. On se le figure comme un épouvantail pour enfants ou un décor d'opéra.

En Ardenne, Satan a séjourné plus longtemps que Guillaume II, et même que Charlemagne. Les troncs d'arbres lui étaient plus favorables que les piliers d'églises. Diane aimait sa cour. Aussi, sur les rivières d'Aisne et de Meuse, le culte des idoles fut-il longtemps en honneur. Les fées et les lutins y dansèrent leurs rondes les plus effrénées, .le malin y régla ses plus furieux jours de sabbat.

Il faut aller au ravin de l'Our, près de Linchamps, sur le rocher du Hérou, qui trempe dans l'Ourthe, ou au fond des gorges d'Ovifat, au pied des Hautes Fagnes, pour s'ex­pliquer le paganisme, religion de nos pères et première source de nos légendes.

Puis, mais longtemps après Jésus-Christ, le christia­nisme apparut, avec saint Bertauld et son lion, saint Walfroy qui brisa la dernière idole, saint Remacle et son loup, et le cerf de saint Hubert· avec sa croix.

La grande légende ardennaise devait être une légende de la forêt et de la chasse. La forêt et la chasse sont à l'Ardenne ce que la mer et la pêche sont à la Bretagne. Et l'Eglise est sage qui conserve et consacre certains rites païens, en bénissant les meutes et les équipages, les voiles et les filets.

On a dit des légendes qu'elles étaient plus vraies que l'histoire. L'histoire est œuvre de savant, de l'esprit. La légende est œuvre du cœur, toute spontanéité. Elle exprime, comme la chanson, le besoin de poésie du peuple, comparable, identique à son besoin de religion. Elle quitte le sol, l/gère comme l'alouette, pour Prendre un peu de ciel.

On demande si elles sont vraies, absolument. A-t-on besoin de connaître si le philtre qu'ont bu innocemment les héros de la légende bretonne, Tristan et Iseult, dont, encore, la forêt des Ardennes couvre le dernier sommeil, comme elle fait celui de la si touchante Geneviève de Brabant, comme elle cache maternellement toutes les épaves de la douleur humain, est un symbole ou une réalité?  Autant demander s'il y a des hommes, et qui aiment, et qui meurent !

Voici ces légendes

Filles du mystère, profanes ou sacrées, elles sont du pays. L'étrange et le fantasque sont de son domaine, on leur trouve pourtant un air familier, on les reconnaît. Comme on les distingue aisément, par exemple, de ces Contes des mille et une nuits, pleins de féerie sans doute, mais encore de barbarie, où la mort est toujours en suspens.

Filles de la fantaisie et de la tradition tout ensemble, elles n'ont pas l'outrance des autres grandes légendes, comme celles de Julien l'Hospitalier ou de saint Antoine, burinées par le ciseau de Flaubert. Ainsi, tandis que le vice met en ligne toute sa perfidie pour tenter l'ermite du désert, dans « La Tentation de Saint Antoine », ce sont les deux pudiques sœurs d'un prêtre qui, dans la légende ardennaise, troublent innocemment Juvin, en relevant légèrement leurs jupes au  passage d'une rivière, et à une époque ou elles n'étaient pas courtes ...

Voici ces légendes, sabots de Noël ou œufs de Pâques pour adultes. Bulles de joie qui s'élèvent sur la tristesse de la vie, elles sont venues du fond des temps, sur un char aux ailes bleues pour résonner doucement dans nos cœurs ulcérés, épris de nostalgie, où bourdonne la voix des ancêtres.

Elles se recommandent d'elles-mêmes. « Legenda » : choses à lire

Jean-Paul VAILLANT

In : Introduction pp 9-20 (extraits)
"Légendes Ardennaises"
Editions de l’Ecureuil
1949
Qui est Arduinna ?
Les Ardennes forment une région vallonnée qui se situe à cheval sur la Belgique, le Luxembourg, et le Nord de la France. C’est un très vieux massif dont les profondes forêts sont parsemées d’anciens mystères. Ce sont les Celtes qui s’installèrent au 8è siècle avant l’ère vulgaire dans ces contrées de l’Europe occidentale. On compte parmi ces Celtes de nombreuses tribus comme les Nerviens, Trévires, Rèmes, Congrues, Éburons, Pémanes, Sègnes, et Aduatuques. Leur isolement géographique a souvent permis que perdure au-delà de la romanisation et de la première phase de christianisation, certaines traditions anciennes. Lorsque ces peuples celtes arrivèrent au 1er millénaire avant l’ère vulgaire, ils apportèrent avec eux, en plus de leurs Dieux majeurs hérités du panthéon indo-européen, le culte à des Déesses dont l’importance est commune à tous les Celtes. Ces Déesses étaient elles-mêmes héritières d’un passé très lointain, souvent issues du néolithique ancien et de la religiosité de ces ancêtres de la nuit des temps. Les Celtes sont connus pour avoir intégré dans des proportions assez conséquentes des éléments de culte des populations européennes antérieures. Ce n’est donc pas un hasard que les Ardennes tirent leur nom d’une Déesse celte du nom d’Arduinna. Les Ardennes sont ainsi la terre de la Déesse Arduinna.

 Le nom d’Arduinna semble venir du gaulois arduo-, ce qui se traduit par « hauteur », ce qui pourrait faire référence aux hauteurs boisées du massif des Ardennes. Mais la racine linguistique arduo semble également reposer sur une autre étymologie qui nous renvoie au mot « Ours », tel qu’on la retrouve dans des noms eux aussi signifiant « ours », comme Arthur, arctique, Artio,… Arduinna serait ainsi à l’origine une  Déesse-Ourse. L’ourse est dans toutes les traditions païennes une figuration de la Terre-Mère, la grande Déesse nourricière.

 Bien qu’il existe une représentation d’Arduinna chevauchant un sanglier (en bas à gauche sur la photo), il n’en reste pas moins que la fonction de la Déesse va bien en-deçà de ce sanglier qui ne serait qu’un simple attribut. Ceux qui ont voulu en faire une Déesse des sangliers, se sont trompés. Surtout si l’on tient compte du fait qu’il existe de sérieux doutes quant à cette statuette au sanglier, car en effet plus d’un spécialiste de la question affirme que cette représentation viendrait en fait du Jura, et n’aurait par conséquence aucun lien avec Arduinna.

 Quoiqu’il en soit, Arduinna est l’aspect sauvage et originel de la grande Déesse, la Terre dans son jeune âge, la terre encore inviolée et vierge. À son culte sont intimement liées toutes les richesses des forêts ardennaises, richesses composées de ses animaux sauvages, de ses sources, et de ses arbres. Arduinna est la Déesse de la faune et de la flore qui veille à la fertilité et fécondité de tout ce qui croît dans ses bois magiques. Elle protège et assure toute l’abondance naturelle qui donne vie aux forêts, à ses animaux, ses baies, ses légumes sauvages, ses sources sacrées, ses plantes médicinales et ses arbres majestueux. Un des lieux de culte connus d’Arduinna fut le mont Saint-Walfroy, où jadis se trouvait un temple païen dédié à la Déesse.  Les chrétiens, fidèles à leur vile habitude criminelle, détruisirent le temple de la Déesse pour y construire à sa place un ermitage dédié au dieu unique importé d’Israël. Mais, malgré tout, l’esprit de la Déesse continue de vivre en ces lieux mystiques et magiques, et toutes les tentatives chrétiennes de détourner les gens de cette réalité, n’y changeront rien. Avant cette christianisation forcée, il y eut la phase gallo-romaine, pendant laquelle Arduinna fut assimilée à Diane, la Déesse vierge de la chasse et de la nature sauvage, une assimilation qui respecta le profil et l’identité de la Déesse celtique Arduinna.

 Ainsi, si vous avez la chance de vous promener dans les belles forêts des Ardennes, souvenez-vous qu’elles ne furent pas seulement le théâtre de luttes héroïques durant la deuxième guerre mondiale, mais qu’elles furent aussi le lieu de résidence d’une Déesse majeure de nos ancêtres celtes, la belle Arduinna.

Hathuwolf Harson

Sources :
« Lexikon der keltischen Mythologie », Sylvia und Paul F. Botheroyd

« L’ours, Histoire d’un roi déchu », Michel Pastoureau
Le Dahu Ardennais
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